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Libération
Critique

Satgé, l'âme orchestre

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Premier roman proustien d'un auteur qui invente le onzième commandement.
publié le 30 octobre 2003 à 1h36

On ne sait rien d'Alain Satgé, sinon qu'il vit en état de péché mortel. Sinon ce que son éditeur a bien voulu qu'on lise sur la quatrième page de la couverture du livre : «Alain Satgé, né en 1946, enseigne à l'université de Rouen ; il a été de 1988 à 1997, conseiller littéraire au Théâtre national de la Colline. Il est l'auteur de plusieurs études sur le théâtre (Samuel Beckett), l'opéra (Richard Wagner), et la mise en scène (Jorge Lavelli, Patrice Chéreau, Giorgio Strehler).» Une rencontre de deux heures nous apportera peu de précisions : Alain Satgé est né le 27 mars à la maternité de l'hôpital Saint-Antoine où son père était pédiatre, Saint-Jean de Passy, Louis-Le-Grand, Normale sup, il est beaucoup plus grand que la photo de son visage surpris sur la bande qui entoure le livre (souriant, écarquillé, chauve couronné, tourné sur son épaule gauche) le laisse supposer. Tout le reste est dans le livre, vrai ou faux, comme un roman.

A commencer par le péché mortel, épais comme le coude sur la couverture : Tu n'écriras point, un onzième commandement tombé d'on ne sait quel ciel, et foulé à terre pendant trois cent cinquante pages. Alain Satgé ira en enfer. Péché par parole, par action, par omission, et (on l'ajoute à l'acte de contrition qu'il ne récite même pas) par préméditation : ce premier roman, Alain Satgé le rumine depuis près de trente ans. Persiste et signe, à trois pages de la fin, en lettres capitales : «TU N'ÉCRIRAS POINT (pas mal comme titre, Noli scribere, roman).»