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Libération
Critique

La langue de l'ennemi

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Sous l'Occupation, les liaisons dangereuses d'un jeune germanophile.
publié le 6 novembre 2003 à 1h45

Le personnage au centre de cette histoire raconte la guerre et l'occupation allemande qu'il a vécues, l'une de loin et l'autre de près, dans une ville de province. Plus tôt, son adolescence, puis ses études, ont témoigné d'un amour puissant pour la langue allemande, qu'il finira par enseigner dans l'école de filles de sa ville natale. C'est un tout jeune homme, Hans-Joachim, rencontré en Allemagne au cours de ses études, qui lui fait découvrir la littérature germanique. Il l'adorera aussitôt ; adoration vouée également au bel adolescent allemand qu'aux belles-lettres. Pour Hans, «il n'y avait ni filles ni garçons, que des êtres doués ou non d'une sensibilité à l'art et à la beauté». Hans sera perdu de vue. L'autre, de retour chez lui, vit chez sa mère, avec sa soeur Anne, et enseigne l'allemand. «Qu'elle était belle, la langue de Goethe et de Goebbels.» Drôle d'occupation pendant l'Occupation. Mais ils «étaient occupés, à des tas de choses». Ainsi la mère attend en silence le retour de son époux réquisitionné, parti besogner dans quelque ferme ou usine de l'autre côté du Rhin. La soeur Anne, elle, attend son Volker, un officier SS qui lui a réquisitionné le corps, qui la besogne chaque jour, avec lequel elle fait trembler les lustres et aboie de plaisir dans la chambre à l'étage, par-dessus le silence de sa mère. La vie va ainsi, dans un «patriotisme mou, comme tant d'autres», à tendance collabo. Notre narrateur se voit lui aussi mis à contribution, chargé par l'occupant de