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Libération
Critique

Le stetson de Foucault.

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Derrida, Foucault, Deleuze, Lyotard... Un essai sur la réception bouillonnante de la «FrenchTheory» aux Etats-Unis.
publié le 6 novembre 2003 à 1h45

«Quelques noms de penseurs français ont acquis aux Etats-Unis, dans les trois dernières décennies du XXe siècle, une aura qui n'était réservée jusqu'alors qu'aux héros de la mythologie américaine, ou aux vedettes du show-business.» Jacques Derrida donc, dont le visage démultiplié s'étale sur les affiches du film que lui a consacré Kirky Dick, pourrait bien être Clint Eastwood, «pour ses rôles de pionnier solitaire, son autorité incontestée et sa tignasse de conquérant». Jean Baudrillard passerait pour Gregory Peck, Julia Kristeva pour Meryl Streep et Jean-François Lyotard pour Jack Palance. Lacan «camperait un Robert Mitchum irascible». Gilles Deleuze et Félix Guattari «évoqueraient le duo hirsute, éreinté mais sublime, de Paul Newman et Robert Redford dans Butch Cassidy et le Kid», et Michel Foucault, qu'on voit à Berkeley coiffé d'un chapeau de cow-boy, serait Steve McQueen, «pour sa connaissance de la prison, son rire inquiétant et son indépendance de franc-tireur». Cette plaisante évocation de ce que pourrait être le parasitage hollywoodien de grands ensembles théoriques ouvre l'ouvrage de François Cusset, French Theory, dont le sous-titre ­ au «Cie» près, qui pourrait renvoyer à Althusser, Bourdieu, Baudrillard, Barthes, Virilio ou Serres ­ indique de façon limpide l'objet : «Foucault, Derrida, Deleuze & Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux Etats-Unis».

Il s'agit, disons-le sans ambages, d'un ouvrage fort, porté par un vrai souffle, qui paraîtra insupportabl