Son visage est chiffonné comme un mouchoir oublié au fond d'une poche, mais sa langue est bien pendue, cinglante et drôle. Sarah Waters, 37 ans, lauréate de nombreux prix littéraires en Grande-Bretagne, élue «jeune auteur de l'année 2002» par le Sunday Times, est en France pour la parution de son troisième livre, Du bout des doigts, au contenu délicieusement lesbien. Elle y réalise, une nouvelle fois, une étonnante symbiose entre modernité et pastiche, s'emparant sans complexe des deux styles littéraires majeurs du XIXe siècle anglais, le gothique et le victorien. Soit : innocence, folie et sexe d'un côté, romanesque, mystère et hypocrisie sociale de l'autre. Nous sommes à Londres, en 1862. Une orpheline des bas-fonds, Sue Trinder, grandit au sein d'une famille de voleurs quand, à la veille de ses 18 ans, un escroc nommé Gentleman lui propose l'entourloupe du siècle. Il s'agit de gagner la confiance d'une jeune héritière, Maud Lilly, orpheline également et s'occupant, dans un lugubre manoir, d'un oncle concupiscent et collectionneur de romans érotiques. Sue ira donc à la rencontre de Maud, et sa vie en sera bouleversée. Sentimental ? Pas vraiment. Plutôt roublard, vénéneux et gourmand comme une langue ancienne qui reprend vie : celle des «grinche», «fafiot», «mornifle» ou «carambolage» (1) pimentant un texte magistralement transcrit en français par Erika Abrams qui a puisé, comme c'est le cas pour les traductions de Dickens, dans la langue des Mystères de Paris d'Eugene Sue
Interview
Sarah Waters, les malheurs de Sapho
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publié le 6 novembre 2003 à 1h45
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