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Libération
Critique

Eden Weiss

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Badauds, gosses des rues et autres clandestins du bitume. Un album de celle qui sait encore, à 79 ans, illustrer l'ardeur de la rencontre instantanée.
publié le 20 novembre 2003 à 1h58

Des bébés sur des peaux de bêtes. Zizi Jeanmaire sur un chameau. Un cadavre dans le noir. Sabine Weiss a un peu tout fait à une époque où les photographes gagnaient leur vie à coups d'éclairs de magnésium, les fameux «pif-paf» dont parlait Robert Doisneau. En parallèle, elle travaillait aussi pour elle, obsédée par l'humain, comme en témoigne son dernier livre avec 200 photographies en noir et blanc, dont seulement cinq sont sans visage. Ce n'est pas un secret, comme Doisneau, Boubat, Izis et tant d'autres, Sabine Weiss appartient à cette génération de photographes dits humanistes, raillés par les snobs ­ qui lui préfèrent le débraillé branché de la photo intimiste ­ alors qu'elle illustre si bien l'ardeur de la rencontre instantanée. Ainsi avait-elle son «terrain vague personnel» à la porte de Saint-Cloud, où elle fit de nombreux portraits d'enfants dansant ou jouant à cache-cache dans un décor à la Prévert, le Paname d'après-guerre. Gosses de rue, bien sûr, mais aussi badauds, passants et autres clandestins du bitume, en France et partout ailleurs, regardés avec une constante affection, avec sororité, comme une part d'elle-même.

Elle en convient, elle a toujours été obnubilée par la photo. D'abord apprentie à Genève chez Boissonas, elle arrive à Paris en 1946 et devient l'assistante de Willy Maywald, photographe de mode. Quatre années à transporter le matériel, à chercher des films et des taxis, et à croiser les célébrités d'alors, dont l'exubérante Marie-Laure de Noailles