C'est une amitié passionnée qui tombait bien pour chacun des deux hommes. Jean Paulhan, né en 1884 et mort en 1968, écrivain, essayiste et éditeur puissant chez Gallimard, et Jean Dubuffet, né en 1901 et mort en 1985, ancien négociant en vins se consacrant enfin pour de bon à la peinture, farouche ennemi de tout establishment artistique, se rencontrent en 1944. En témoignent des flopées de lettres jusqu'à leur première brouille en 1950 (puis, moins régulièrement ensuite, une deuxième brouille apparaissant manifestement autour de la publication d'un texte de Dubuffet dans la NRF en 1957). Julien Dieudonné et Marianne Jakobi racontent dans leur introduction l'intérêt qu'il y avait pour Paulhan à être celui qui «découvre» (mot que le peintre abhorre) Dubuffet, et pour Dubuffet à être introduit par Paulhan dans le monde culturel qu'il prétend pourtant traîner dans la boue. Les éditeurs sont sévères avec le peintre (qui fut aussi écrivain), notant comment celui qui pour rien au monde n'aurait vendu un tableau, entrant ainsi dans le système détesté, s'en accommodera rapidement.
Pour être amis intimes, ils n'étaient pas dupes l'un de l'autre. Dès 1945, Dubuffet et Paulhan sont invités ensemble en Suisse, et l'écrivain décrit ainsi le peintre dans son Guide d'un petit voyage en Suisse paru en 1947 (mais que Dubuffet a lu avant) : «Le peintre Limérique porte les cicatrices et le crâne écabossé d'un enfant. Il vit content. Ses colères sont violentes et ses haines durables, mais à tel p