Un juge américain, Potter Stewart, eut un jour cette formule : «Je ne sais pas définir la pornographie, mais je sais la reconnaître.» Par ce qu'on ne sait pas définir, la philosophie est généralement attirée, car elle se trouve alors faire feu de tout bois, et aller à ses limites. De ce qu'on ne peut définir, elle se méfie, pour ne pas apparaître comme l'héroïne des causes perdues. Mais elle laisse tranquille ce qui, à être défini, aussitôt s'évanouit. «Un souvenir peut-il être pornographique ?», se demandait Jacques Roubaud. Et une notion ? Un concept ? Le concept de chien n'aboie pas, a-t-on dit. Celui de pornographie n'exhale aucun râle, oh ! oh !, ne geint pas, ne jouiiiiiit pas, mais, de plus, il défait son «objet» dès qu'il s'en approche. S'il est des philosophes pornophiles, et des pornographes philosophes, philosophie et pornographie se font, elles, des yeux de merlan frit, sont constitutionnellement incapables de se «considérer», se donner la main ou s'embrasser : la prise de tête, on le sait, rend lâche l'emprise des corps, et, presque jamais, à l'intumescence des flots de pensée ne répond celle des organes. S'il existe donc des textes, des images ou des films obscènes d'où l'on peut tirer quelque philosophie (ou une esthétique, une politique, etc.), il n'est guère, hors peut-être celle du divin Marquis, d'oeuvres philosophiques pornographiques. Rares sont mêmes les travaux de philosophie de la pornographie, ou les thèses (1) consacrées à un sujet si peu respectabl
Critique
La philo au rayon X
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par Robert Maggiori
publié le 20 novembre 2003 à 1h58
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