Aujourd'hui, non sans mélancolie, on dirait que Valery Larbaud fut un passeur. Erudit sans académie, écrivain d'une délicatesse transnationale et d'une sensualité d'enfant, critique et traducteur accompagnant la littérature «en train de se faire» (ou, comme il écrivait aussi, «la littérature que c'est la peine»), doué d'une grande oreille poétique interne, piéton des villes d'Europe et auteur tout en charme et bagages, Larbaud ne cesse de faire passer les frontières aux meilleurs écrivains sur des mulets dorés, dans l'intime clandestinité du goût. De l'étranger vers la France : il traduit ou fait connaître Joyce, Butler, Borges, Coleridge, Chesterton, Whitman, Ramon Gomez de la Serna... longue est la liste de ses transfuges. De la France vers l'étranger : son multilinguisme lui permet de faire rayonner les meilleurs auteurs français de son temps, mais aussi quelques grands poètes méconnus du temps jadis.
Il y a deux ans, Anne Chevalier présentait les articles qu'il écrivit en 1914, et en anglais, dans le New Weekly : vingt et une «lettres» dans lesquelles il fait découvrir, à l'amateur britannique éclairé, la vie littéraire et artistique parisienne de son temps et, avant tout, l'avant-garde qui révolutionne tout. Neuf ans plus tard, l'écrivain argentin Ricardo Guiraldes, auteur du désormais classique Don Segundo Sombra (1), lui propose d'écrire sur la littérature française pour La Nación, à Buenos Aires. Anne Chevalier publie aujourd'hui ces articles. Ils sont écrits direct