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Critique

Lazare, saint et martyr.

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Dreyfusard de la première heure, poète et anarchiste, Bernard Lazare se fit des ennemis chez les philo et les antisémites. Un destin mal connu retracé par Philippe Oriol.
publié le 20 novembre 2003 à 1h57

«Je veux qu'on dise que le premier j'ai parlé. Que le premier qui se leva pour le juif martyr fut un juif.» Ainsi Bernard Lazare revendiqua-t-il, dans une lettre ouverte adressée en 1899 au président de la Ligue des droits de l'homme, Ludovic Trarieux, l'honneur d'avoir été le premier des dreyfusards. Et de Lazare en effet, on a surtout retenu le rôle capital dans l'Affaire. Celui du jeune poète qui, dès 1895, clame en solitaire l'innocence du capitaine emprisonné sur l'île du Diable, met l'accent sur le caractère antisémite de sa condamnation et inaugure, par sa brochure pionnière (Une erreur judiciaire : la vérité sur l'Affaire Dreyfus), le long combat pour la révision et la réhabilitation. Mais la figure de Bernard Lazare ne peut être réduite à cette seule fonction. Excellent connaisseur de l'Affaire Dreyfus et du monde des petites revues fin de siècle, Philippe Oriol s'est attaché à la restituer dans toute sa complexité.

Car rien n'est simple dans l'itinéraire d'un homme qui se voulut toujours «orthodoxe en rien». Seul son profil de jeune poète peut apparaître à peu près conforme. «Monté» à Paris en 1886, il rejoint comme tant d'autres le «petit monde de la jeune littérature» qui vénère alors Mallarmé et Villiers de l'Isle-Adam. Il fréquente la nébuleuse «mystico-idéaliste», celle des mages, des esthètes et des poètes maudits, multiplie les critiques acerbes dans les journaux et revues d'avant-garde (dont les Entretiens politiques et littéraires de Vielé-Griffin, dont il