La célèbre formule de Joseph Staline le pape, combien de divisions ? pouvait prêter à sourire au faîte de la puissance soviétique. Elle fit pourtant moins rire Moscou quand Jean Paul II, par son verbe, contribua à ruiner les régimes communistes. Comme le confirme le pontificat de Karol Wojtyla, la force spirituelle du Vatican a pu, dans l'histoire du monde, déplacer des montagnes. Durant la Seconde Guerre mondiale, pourtant, Pie XII, n'a guère usé de ce pouvoir immense. Alors qu'il était informé par des canaux divers de l'extermination des juifs, il conserva un silence qui a largement terni son pontificat et l'image même de la papauté. C'est précisément ce silence qu'un historien, Philippe Chenaux, essaie de comprendre en le réinscrivant dans les plus larges perspectives de la continuité biographique d'une part, du contexte plus global des années trente et quarante de l'autre.
Cette démarche permet à l'auteur d'écarter de fausses hypothèses. On ne saurait ainsi expliquer le silence de Rome en invoquant l'inexpérience diplomatique de Mgr Pacelli. Le futur pape bénéficiait en effet d'une bonne familiarité avec les rouages de la politique extérieure qu'il suivit comme secrétaire d'Etat de la congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires d'abord (1911), comme nonce apostolique en Bavière ensuite (1917). Il fut surtout par deux fois dépêché en mission de paix, auprès de l'Autriche-Hongrie en 1915, auprès de Berlin en 1917. Malgré ses efforts, Rome ne parvint pas à