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Libération
Critique

Zones hétérogènes

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La philosophie ne suce que si l'on s'en sert, selon Mario Perniola.
publié le 20 novembre 2003 à 1h58

Mine de pas y toucher, les philosophes n'ont de cesse d'y penser, mais pour le morigéner, le domestiquer, le neutraliser, bref pour démontrer combien et comment le sexe n'a rien à voir avec la philosophie. Non pas que Platon, Aristote, ou Epicure (et la plupart de leurs successeurs) aient dédaigné les plaisirs ­ pourvu qu'ils restassent bornés à des limites convenables ­ mais ils ont tenu dans la plus grande suspicion la chose sexuelle comme si elle était irréductible voire alternative à l'activité philosophique elle-même. C'est à la fin de cette mésentente entre deux ordres de l'expérience humaine qu'entend oeuvrer le Sex-Appeal de l'inorganique. Il s'agirait même d'une nouvelle alliance entre «l'extrémisme spéculatif de la philosophie et la puissance invincible de la sexualité». Le livre est cru et sophistiqué, un peu comme son auteur, Mario Perniola, penseur subversif postmoderne et professeur d'esthétique à l'université de Rome, auteur notamment de l'Instant éternel, Bataille et la pensée de la marginalité (1).

Réagencer philosophie et sexualité ne veut pas dire faire du corps une chair sacralisée ou, pire, une chose pensante. Après Descartes l'opération est interdite : la chose pensante n'étant que l'esprit. Mais on peut aller plus loin, au-delà de la chose qui pense ou qui bouge, pour déboucher dans la chose qui sent : «Lorsqu'on trouve la réalisation de la chose sentante cartésienne dans le cunnilingus ou dans la fellation de son partenaire, lorsque l'on perçoit dans l