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Libération
Portrait

Dix ans de réflexion

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Donna Tartt, 40 ans, Américaine upper-class. Plus Dickens qu'Hemingway, elle écrit chaque décennie un thriller érudit qui devient best-seller mondial.
publié le 26 novembre 2003 à 2h03

Minuscule, pépiante comme un colibri, Donna Tartt se faufile dans le tambour du Lutetia au bras solide d'Ivan Nabokov, son éditeur parisien. Ils chuchotent en anglais, complices, son rire d'enfant perce la rumeur des dîneurs. «Sit, sit», elle reçoit avec la grâce d'une Anglaise victorienne, raffinée de la pointe des cils à celle de ses fines bottines. «Un charmant phénomène», avertit l'éditeur, la saluant comme une grande dame.

C'est qu'elle pèse lourd, miss Tartt. Deux livres en vingt ans, mais quels livres... Son Maître des illusions, 700 pages, acheté banco 450 000 dollars par un éditeur new-yorkais en 1993, s'est vendu à un million d'exemplaires aux USA, et a été traduit en 23 langues. Le second, Le Petit Copain, paru en septembre en France, vogue dans le même sillage. Ce roman au format d'un parpaing a embrasé le public et la critique, coiffant Sam Shepard et Ian Pears aux prix littéraires américains. «Quand je pense que j'ai commencé à écrire pour gagner de quoi poursuivre mes études», s'amuse Donna Tartt.

Elle est désolée, riant de chercher ses mots, son français n'est pas parfait. Il fut un temps, pour avoir lu Proust dans le texte, où elle maniait l'imparfait du subjonctif. Enfant, elle dévorait Jules Verne, les Malheurs de Sophie et Tartarin de Tarascon. A treize ans, Guy de Maupassant la passionnait, surtout le Horla, «my favourite». Dans la grande maison de Grenada, Mississippi, la télévision restait éteinte, la bibliothèque débordait de classiques européens. «Tout