Il est tout à fait naturel qu'une apparition relevant du surnaturel (par exemple celles, récurrentes, de la Madone) soit immédiatement soumise à la question : est-elle vraie ou fausse ? Mais cette interrogation paraît déjà faire partie des phénomènes qu'il s'agit d'expliquer. Dès lors toute réponse préalable ne ferait que laisser encore plus dans l'ombre les raisons psychologiques, sociales, anthropologiques, historiques de la manifestation qu'on se propose d'éclairer. En matière de croyance, le maniement de ce qui dépasse la norme est délicat, car on bascule facilement du rôle d'observateur à celui de témoin. L'essentiel est de suspendre son propre jugement et de s'en remettre à celui des acteurs, non pas pour le faire sien, mais pour le rendre accessible à d'autres qui, eux, pourront à leur tour le valider ou le rejeter. D'une démarche anthropologique exigeante, à mi-chemin de soi et de l'autre, se gardant des écueils symétriques du relativisme et de l'ethnocentrisme, Elisabeth Claverie donne une preuve fascinante dans les Guerres de la Vierge. Il s'agit d'un essai sur les célèbres apparitions mariales de Medjugorje, ce village croate aujourd'hui en Bosnie-Herzegovine, mais encore en Yougoslavie au moment où des adolescents affirment avoir vu la Vierge, le 24 juin 1981. Ce n'est pas tous les jours que le miracle s'offre à l'observation scientifique en temps réel, et cette anthropologue spécialiste du christianisme a sauté sur l'occasion, sans se douter qu'elle y consacrera
Critique
Voir la Vierge et mourir.
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publié le 4 décembre 2003 à 2h10
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