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Libération
Critique

A la belle Mauresque

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Une étude et un album de photos sur la prostitution coloniale dans le Maghreb. Exploitation, contrôle du marché du sexe, mais aussi résistance à l'ordre établi.
publié le 11 décembre 2003 à 2h17

Le 13 avril 1946, la loi dite Marthe Richard ferme en France les maisons closes, mais ne s'applique pas au Maghreb car, estiment les législateurs, «les conditions ethniques et les lois métropolitaines ne modifient pas les moeurs ancestrales des indigènes». Cette différence de traitement, à la «connotation raciale», masque la dimension éminemment politique de l'implantation dans les colonies du réglementarisme français ; son maintien, malgré son échec et sa déliquescence ici décrits, prouve qu'il est un outil de contrôle et d'assujettissement. A preuve, souligne Christelle Taraud, la prostitution coloniale rompt avec la tradition maghrébine car, contrairement à une idée répandue, elle ne s'installe pas sur un terrain vierge : les prostituées, courtisanes, esclaves, danseuses, «filles de réjouissance» et concubines de harem appartiennent à la société précoloniale. L'auteure en dresse un tableau bien idyllique : la prostituée n'est ni honteuse, ni marginale, ni rejetée avant les années 1850 ; à l'en croire, elle ne serait ainsi perçue qu'à l'aune de critères européocentristes. Mais l'historienne n'adopte-t-elle pas ainsi la posture inverse, en idéalisant tout ce qui relève de la société maghrébine pour mieux fustiger la rupture qu'imposent les colonisateurs par le réglementarisme de la prostitution, dans l'irrespect de la loi religieuse ?

La prostitution coloniale, «violence sexuelle», est donc une arme pour saper les fondements de la société et de la famille traditionnelles, dé