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Libération
Critique

La crise des Facultés

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Vérité révélée et vérité philosophique: Libera dénoue le fil de la querelle.
publié le 11 décembre 2003 à 2h17

Concernant Dieu, la messe semble dite depuis quelques siècles, au moins en notre Occident laïcisé : la foi n'a pas à se mêler de ce qu'en dit la raison, ni celle-ci de ce que croit celle-là. Aussi l'armistice, imposé aux théologiens par des philosophes, qui, en se vengeant des misères endurées au Moyen Age, auraient permis que la modernité soit, tiendrait-il toujours. Aujourd'hui encore, croyants, athées ou agnostiques, spécialistes ou non, partagent ce lieu commun, dont le seul défaut est d'être faux, car le combat titanesque en question n'a pas eu lieu, faute de l'un des deux duellistes présumés, le philosophe justement. De cette thèse quelque peu scandaleuse, Alain de Libera donne une époustouflante démonstration dans Raison et foi. Archéologie d'une crise d'Albert le Grand à Jean-Paul II, un maître-livre qui reprend à bras-le-corps la «crise» de la théologie médiévale pour lui rendre le rôle essentiel qui fut le sien dans l'histoire de la philosophie. Un débat féroce s'est pourtant déroulé autour des régimes de rationalité, touchant la liberté humaine et les lois de la nature voire les limites de la puissance divine, mais il s'est agi plutôt d'une guerre civile sur la place de la philosophie au sein de la théologie elle-même, opposant un groupe de professeurs à un autre groupe de professeurs, tous théologiens, à l'université des arts de Paris, dans le dernier quart du XIIIe siècle.

Le 7 mars 1277, Etienne Tempier, évêque de Paris, condamne 219 thèses enseignées à la Sorbo