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Libération
Critique

Les idiots de la famille

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L'idiotie, dit Jean-Yves Jouannais, manifeste la rupture radicale opérée par l'art moderne.
publié le 11 décembre 2003 à 2h17

«Quand les chiffres et les lettres d'une plaque d'immatriculation rapetissent, c'est qu'une voiture s'éloigne.» Cette citation provient d'un texte de Nathalie Quin- tane. Elle est l'une des très rares femmes que l'on voit apparaître dans le corpus d'oeuvres d'art, de films et de textes indexés par Jean-Yves Jouannais, dans l'Idiotie art, vie, politique-méthode, sans doute l'un des rares «beaux-livres contemporains» ­ et il faut entendre, sous cette expression, le léger croassement d'un paradoxe, la notion de beau-livre s'accordant mal avec celle du «contemporain». Le look de l'ouvrage en témoigne. Il ressemble à une boîte de chocolats, mais en moins velouté, et sa couverture est frappée d'un frontispice dessiné par Pierre La Police, obtenu par thermoformage. Les variations du corps de la police de caractères, celles de l'échelle des illustrations (de la vignette minuscule à la reproduction pleine page) signalent également une volonté de musarder, tout en les suivant, avec les conventions du livre d'art, ou de les rendre enfin idiotes à leur tour.

Ce n'est pas le terme «idiotie», ni même sa conceptualisation que Jean-Yves Jouannais invente, puisque le romancier et critique d'art, l'un des fondateurs de feu la revue Perpendiculaire, déclare sa dette. Il revient notamment à Clément Rosset d'avoir exploré plus ou moins philosophiquement, la notion de l'idiotie (le Réel, Traité de l'Idiotie, 1986) : «Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu'elles n'existent qu'en