Menu
Libération
Critique

A la place du calife

Article réservé aux abonnés
La riche biographie du dernier sultan ottoman, sanguinaire et fin diplomate, renversé en 1909 par les Jeunes-Turcs.
publié le 18 décembre 2003 à 2h23

Des Balkans au Proche-Orient en passant par le Caucase, une grande partie des foyers de crise internationaux de ce début de siècle comme du précédent se déroulent dans d'anciens territoires ottomans. «Les débuts du mouvement sioniste, les premiers grands massacres d'Arméniens et l'émergence de leur mouvement national, l'éveil des nationalismes albanais, arabe et kurde se produisent dans le cadre de l'empire et sous le règne d'Abdulhamid. Les premières formulations du nationalisme turc datent également de cette époque ainsi que l'idée ­ ou plutôt le phantasme ­ d'un vaste complot islamique dirigé contre l'Occident», écrit François Georgeon, directeur de recherche au CNRS et responsable des études turques et ottomanes, dans l'introduction de sa très riche biographie du dernier grand sultan ottoman déposé en 1909 après trente-deux ans de règne par la révolution des Jeunes-Turcs.

Despote impitoyable mais aussi modernisateur d'un empire qui passait pour «l'homme malade de l'Europe», autocrate sanguinaire mais redoutable manoeuvrier et fin diplomate, Abdulhamid II, appelé le «sultan rouge» pour ses massacres notamment d'Arméniens, n'avait plus inspiré de recherches depuis des décennies malgré son rôle clé dans l'histoire européenne du XIXe siècle. C'est d'autant plus étonnant qu'il y a aussi une dimension shakespearienne, tout à la fois monstrueuse et tragique, dans le destin de ce jeune prince, fils d'une Circassienne ­ traditionnellement les plus belles femmes du harem des sultan