Traduire le «Zibaldone» en entier ! Qu'est-ce qui vous a poussé à cette «folie» ? Je crois qu'une forme de légèreté et d'inconscience a gouverné une partie de ce travail. La folie est peut-être de ce côté-là, moins dans la somme de travail proprement dite que dans la façon dont on accepte de s'y lancer presque à l'aveugle. C'est certainement la seule façon d'avancer et de faire quelque chose, quoi qu'il en coûte lorsqu'on se retrouve au milieu des ennuis. On ne peut prendre la mesure d'une chose que lorsqu'elle est achevée, et même alors, elle reste toujours ouverte, à venir. Voilà ce qui libère le travail. Ce n'est donc pas un impératif historiographique ou académique qui pouvait motiver cette «folie», mais un projet plus intuitif, devenu personnel au fil des ans, l'excitation d'une découverte et d'une traversée, en aucun cas la morne tâche d'une exhumation.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Le texte, qui multiplie les difficultés techniques dans le détail, est resté jusqu'à la fin invisible dans sa globalité réelle. Impossible ici de s'acclimater à la phrase changeante, à la pensée mobile, de naviguer dans la masse infinie des références sans se perdre, de suivre ou d'adopter d'emblée un rythme d'écriture, comme dans un roman ou un traité chapitré. Mais, au milieu de tout cela, le plus grand danger consistait à accepter de vivre plusieurs années avec un objet aussi vertigineux et de rejouer quotidiennement pour soi-même les manies, les errances, le désespoir de son