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Libération
Critique

Papa pique

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Une petite fille en proie à la furie domestique d'un père terrifiant.
publié le 18 décembre 2003 à 2h22

Un auteur pour enfants se penche sur son passé sous la forme toute simple ­ en apparence ­ d'un récit guilleret qui se double aussitôt, pour des yeux moins candides, d'un sombre et poignant réquisitoire. Tout commence dans le décor à la Clouzot d'une France d'après-guerre encore mal recousue, dans un quartier périphérique de Toulouse où Nanette, l'héroïne, souffre en silence d'être un canard boiteux pour ses copines d'école. Mais surtout Nanette endure avec effroi le comportement de son père, un extravagant limonadier qui «rêve de concocter la boisson pétillante du siècle qui accompagnerait tous les moments de la journée». Mais le rêve de l'inventeur d'un étrange liquide bleu pâle à bulles s'est bien vite effondré, le papa de Nanette se changeant en une furie domestique. Il insulte sa femme, terrorise les enfants et brise les meubles, tout en glissant sur la pente savonnée d'une faillite imminente.

Alors, le monde, pour Nanette, s'est mué en une prison que cette enfant précoce, à l'émotivité imprévisible, parcourt en tous sens, cherchant désespérément à faire bonne figure et, pour commencer, à se faire des amies. L'auteur trouve ses plus beaux accents à l'évocation de ces instants terribles où l'on est prêt à pactiser avec les plus forts et souvent les plus sots pour se sentir enfin dans le coup. De cette amère prostitution de l'âme naît chez l'enfant trop sensible une vision des choses et des êtres distordue, bizarre, pareille à celle qui naguère guida la main de l'auteur de