Le théologien allemand Adolf von Harnack (1851-1930), une des figures historiques du «protestantisme libéral», a, très tôt dans ses travaux, rencontré Marcion, haut personnage du premier christianisme, décrété «hérésiarque» au milieu du IIe siècle, et a fini cinquante ans plus tard par lui consacrer une monographie, Marcion. L'Evangile du Dieu étranger. Celle-ci a contribué à faire de la question du gnosticisme un dossier fréquenté aussi par des non-théologiens. Ainsi, Hans Jonas a consacré sa thèse (sous la direction de Rudolf Bultmann) et ses premières recherches au dualisme antique. Dans Ni le soleil, ni la mort (2003), Peter Sloterdijk évoque «la ligne fine et emmêlée qui va d'Alexandrie à l'Institut für Sozialforschung» (l'Ecole de Francfort) et qu'on peut aussi prolonger jusqu'à Hans Blumenberg et Sloterdijk lui-même en tant qu'auteur d'une anthologie gnostique, la Révolution mondiale de l'âme. La traduction du livre de Harnack mérite donc être saluée, quoique tardive.
Harnack est né en 1851 à Tartu (alors Dorpat, en Estonie), où son père enseignait la théologie à l'université, ce qu'il fera à son tour, étant nommé à Berlin avec le soutien de Bismark. Il développe une théologie non trinitaire de facture rationaliste et fortement christo-centrée. Philologue respecté, il est l'auteur d'une volumineuse Histoire des dogmes. Il fonde en 1911 l'Institut de l'empereur Guillaume II (devenule Max Planck). Il était le conseiller de ce monarque et il a même été son «nègre» lors de