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Libération

Paris en plein Caire.

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A 90 ans, l'Egyptien Albert Cossery arpente toujours avec détermination Saint-Germain-des-Prés. Rencontre avec l'infatigable dandy, auteur des «Fainéants dans la vallée fertile».
publié le 8 janvier 2004 à 21h47

«C'était un jeune homme de vingt-trois ans environ, lequel, sans être d'une beauté fatale, n'en possédait pas moins un visage charmeur et des yeux noirs où brillait une lueur d'amusement perpétuel. (...) Il portait avec une aisance incomparable un costume en lin de couleur beige, une chemise de soie écrue agrémentée d'une cravate d'un rouge vif et des chaussures en peau de daim marron». L'homme assis dans le petit hall de l'hôtel, à l'angle de la rue de Seine et de la rue de Buci, un après-midi de décembre, n'a plus vingt-trois ans mais ressemble en tout point à Ossama, le héros des Couleurs de l'infamie, le dernier livre d'Albert Cossery, paru en 1999. «L'aisance incomparable» et l'harmonie des couleurs sont là (veste et cravate marron, gilet vert, chemise jaune, chaussures en daim), la «lueur d'amusement» aussi. Lorsqu'on lui demande d'où lui vient son goût pour l'élégance vestimentaire, Albert Cossery parle de son père «habillé comme un prince» et ajoute : «La vie est belle. Il faut se présenter devant elle pas étriqué.» La phrase n'est pas audible, chuintement à peine modulé. Le dandy a alors saisi le bloc-notes de son visiteur et tracé les mots d'une écriture arrondie qui ne tremble pas. Il y a six ans, un cancer de la gorge l'a privé de cordes vocales. Ne plus se faire entendre n'est pas un malheur, juste un agacement et une source de fatigue qui rendent l'oeil moins rieur mais pas moins aigu.

Cossery arpente toujours d'un pas rapide ce Saint-Germain-des-Prés dont il es