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Libération
Critique

Bauman, l'âge déraison.

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Pour Zygmunt Bauman, la rationalité doit être tenue en respect par les émotions.
publié le 15 janvier 2004 à 22h01

Que le conquérant optimisme moderne se soit finalement délité dans les mille courants de la pensée post-moderne est plutôt une bonne nouvelle pour Zygmunt Bauman et non pas un tour- nant angoissant. C'est lui d'ailleurs qui avait montré dans Modernité et holocauste (1) comment l'extermination des juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale n'était en rien une intrusion inattendue de la barbarie dans des sociétés par ailleurs civilisées mais la réalisation de l'une des possibilités inhérentes à la rationalité moderne elle-même. Il est vrai, cependant, que la crise des grands systèmes interprétatifs de l'histoire (théorisée par des philosophes tels que Lyotard, Rorty, Vattimo...) alimente depuis ­ outre la perception d'une certaine libération ­ les angoisses d'individus qui semblent avoir perdu le sens de l'orientation dans un monde de plus en plus incertain. Dans la Vie en miettes. Expérience postmoderne et moralité, Bauman conjugue la démarche analytique du sociologue et la passion synthétique du philosophe pour décrire notre présent en fixant quelques repères éthiques afin qu'on le saisisse sans s'y perdre : la raison ne doit pas être nécessairement condamnée mais elle sera désormais tenue en respect par le sentiment.

De l'achèvement de la modernité dans sa plus froide rationalité technique et bureaucratique et finalement dans l'horreur, Bauman a eu une expérience directe avant qu'il n'en fasse, après un long détour, son objet d'étude. Né en 1925 à Poznan, ville allemande d