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Libération
Critique

Les faux Che fantastiques

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L'histoire de l'Amérique centrale arpentée comme une descente aux enfers.
publié le 15 janvier 2004 à 22h01

Patrick Deville est un fervent de l'Amérique latine. Il y traque quelque chose qui serait de l'ordre d'une certitude ontologique face à l'inexistence qui caractérise les sociétés occidentales : à savoir une vie qui ne se vivrait pas seulement par procuration. Comme beaucoup de romanciers, il est toujours professionnellement une «victime des livres», lus (Gombrowicz, Borges, Bowles, Lowry) et à écrire. Avec Pura vida, «Vie & mort de William Walker», il enveloppe deux cents ans de l'histoire de l'Amérique centrale en ce qu'il faut bien nommer à défaut d'autre chose «roman». Mais son projet relève bien plus de ce que l'on appelait à l'époque de la Conquête «relations», où le réel ­ sur lequel on demandera au lecteur de s'accorder provisoirement ­ est toujours entremêlé d'imaginaire, voire de mirages sur fond de voyages.

William Walker (1824-1860) est un de ces excentriques qu'a produits le XIXe siècle avec beaucoup de constance sur les deux rives de l'Atlantique. Mais si l'on se souvient en Europe d'Orélie Ier, roi d'Aurécanie, et de certains saint-simoniens aux projets utopiques, le souvenir de William Walker est plus douloureux en Amérique du Sud. L'homme a été l'instrument d'une des premières tentatives des Etats-Unis pour s'approprier l'Amérique centrale. Bien des années plus tard, Augusto César Sandino enjoindra à ses partisans : «Vos mains doivent s'abattre comme un cyclone sur les descendants de William Walker.»

Patrick Deville aurait pu écrire la seule biographie de Willi