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Libération
Critique

Les Lumières de Tocqueville.

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La démocratie, pensait Tocqueville, a besoin pour vivre d'idéal religieux.
publié le 15 janvier 2004 à 22h01

La place accordée à Tocqueville ne fait que croître depuis sa redécouverte par Raymond Aron. L'Ancien Régime et la Révolution (1856), livre de chevet de François Furet, a contribué largement au renouveau récent des études sur la Révolution. Tout aussi lumineuse est sa réflexion sur la démocratie. Si le gouvernement français a pris l'initiative de faire traduire ses oeuvres dans les anciens pays du bloc communiste confrontés à l'invention (ou parfois au retour) d'une vie démocratique, la lecture de Tocqueville s'impose aussi aux anciennes démocraties. «Après deux siècles d'existence en régime démocratique, écrit Agnès Antoine, nous n'habitons sans doute pas encore la condition qui est la nôtre.» A l'instar de la raison chez Hegel, Tocqueville considère le concept d'égalité comme le principe explicatif de l'histoire humaine. «Lorsqu'on parcourt les pages de notre histoire, écrit-il dans la Démocratie en Amérique (1835), on ne rencontre pour ainsi dire pas de grands événements qui depuis sept cents ans n'aient tourné au profit de l'égalité.» Ce n'est donc pas la philosophie des Lumières qui a produit la démocratie car elle est la suite naturelle de cette quête permanente d'égalité. La condition de l'homme démocratique est cependant difficile. Il y a d'abord l'inquiétude égalitaire : une fois les inégalités les plus grossières estompées, toute atteinte à l'égalité apparaît en sorte que la passion de l'égalité est toujours renforcée. Plus grave est l'emprise qu'exerce la majorité