Se trouver sur une île déserte, rétamé entre la brûlure et les crocodiles. Soupçonner l'homme avec qui on dort d'être un monstre de cruauté. Des deux situations, laquelle redouter le plus ? D'un point de vue romanesque, chez l'Australien Tim Winton, elles sont aussi menaçantes l'une que l'autre. L'inverse est vrai. S'abandonner à la pure magie du désir amoureux. «D'un coup de talon», plonger «dans les couches sous-marines à travers les invisibles petits courants transversaux et les variations de température qui trament l'eau limpide.» Ce sont là, équivalents dans l'expression lyrique, deux sortes de bonheur d'être au monde.
Mais l'enfer, avant tout, qu'est-ce que c'est ? L'enfer, c'est le passé, dit volontiers Winton, de roman en roman, et spécialement dans les Ombres de l'hiver (qui ressort dans la collection de poche de Rivages). C'est la mémoire. «Ils crèvent de trouille quand ils pensent au type qu'ils ont été», dit un protagoniste de Par-dessus le bord du monde, bien placé pour échanger sa discrétion contre l'assurance qu'on ne va pas déterrer ses péchés de jeunesse. «L'oubli est une grâce», confirme Luther Fox.
Ils sont deux personnages à se partager principalement l'histoire, une histoire d'amour, un homme et une femme, ils s'aiment d'emblée, seront-ils ensemble à la fin ? Nous sommes cette fois au bord de la romance cinématographique, avant que l'auteur s'envole par-dessus. Lu Fox est l'homme, Georgie Jutland, la femme qui le fait parler, pleurer, parler encore. Lu Fox