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Libération
Critique

Utopie coloniale.

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Un essai collectif sur les intrications entre vertus républicaines et entreprises coloniales.
publié le 15 janvier 2004 à 22h01

«L'histoire coloniale est encore inaudible», écrivent les auteurs de ce livre aux accents de manifeste. Sans doute beaucoup de recherches ont-elles été entreprises, mais, à l'exception de la guerre d'Algérie, leur écho est demeuré presque nul sur le savoir social, toujours partagé entre la nostalgie romanesque du «temps des colonies», le souci de réhabiliter l'oeuvre impériale ou la simple dénonciation des crimes coloniaux. L'espace existe pourtant d'une autre histoire, inspirée des «études postcoloniales» anglo-saxonnes. Mais il faut pour cela «dépasser le discours de la dénonciation, du remords ou du révisionnisme», appréhender le fait colonial comme une réalité hybride, qui affecte les métropoles autant que les colonies et travaille, dans un complexe jeu d'interactions, l'imaginaire et les comportements. En France, une telle approche invite à interroger «l'intrication», antithétique en apparence, entre l'idée républicaine et l'entreprise coloniale. Elle suppose de prendre au sérieux les intentions du colonisateur, son idéal «généreux» porteur de progrès et de modernité, mais de montrer aussi combien ceux-ci s'adossent aux certitudes d'une Civilisation qui pensait avoir «inventé» l'Universel. Exempt de droits naturels, l'indigène devait abandonner toute identité propre pour se fondre dans l'universalisme républicain. Liberté et égalité pouvaient s'articuler «avec le langage de l'infériorité raciale», qui les vidait pourtant de leur sens. A un moment où la notion de race te