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Interview

Chantal Thomas, lettres en souffrance

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La douleur, disait Mme de Staël, «est un pays où il y a toujours des découvertes à faire». Entretien avec Chantal Thomas pour explorer ce que «Souffrir» veut dire, sévices compris.
publié le 29 janvier 2004 à 22h23

«Si le monde vous échappe par excès de souffrance, on peut aussi le manquer par avarice de larmes», écrit Chantal Thomas dans Souffrir. Philosophe de formation, spécialiste de la littérature du XVIIIe siècle, elle a écrit des essais sur Sade, Casanova, Marie-Antoinette et Thomas Bernhard, et un roman, les Adieux à la reine. En 1998, elle avait aussi publié un texte qui tenait de la critique littéraire, de la réflexion philosophie et du récit autobiographique, intitulé Comment supporter sa liberté ? Ce nouveau livre, Souffrir, est de même nature, il s'interroge sur le «comment souffrir» dans une société occidentale où «notre souffrance n'a plus de rites ni de modèles», où elle est devenue solitaire, inutile, honteuse.

En vingt-huit fragments courts, intenses, légers, qui sont comme des «éclats de douleur», Chantal Thomas part de tableaux, de films, de scènes autobiographiques ou littéraires, pour explorer la douleur, qui, comme le dit madame de Staël, «est un pays où il y a toujours des découvertes à faire». Les fragments s'appellent abandon, attendre, bagne, enfer, mysticisme ou refus. Ils parlent de Sade, de Julie de Lespinasse (son exaltation quasi mystique dans un amour sans retour), de Schopenhauer qui semblait avoir de bonnes raisons de préférer les chiens aux femmes («S'il n'y avait pas de chiens, je n'aimerais pas à vivre»), des sévices délicieux et horrifiques des livres d'enfance (Heidi et les Petites Filles modèles), des «esclaves volontaires» du travail moderne ou