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Libération
Critique

L'échelle du jacobin

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Pour Pierre Rosanvallon, le débat sur le centralisme étatique masque les vraies causes du malaise français.
publié le 5 février 2004 à 22h48

«Décentralisation ; décentralisation ! Tel est le cri qu'on entend de nos jours résonner de toutes parts et qui se produit comme l'expression d'un des besoins les plus impérieux de notre époque.» Signé Florent Lefebre, ce constat aux accents très contemporains date pourtant de 1849. Quelques années plus tard, dans l'Ancien Régime et la Révolution (1856), Tocqueville offrait une analyse restée célèbre de l'omnipotence d'un Etat asservissant une société civile anémiée. C'est cette tension lourde de l'histoire de France, exacerbée par l'événement révolutionnaire, cet «affrontement du particulier et du général, de la société civile et de l'Etat», que le nouvel ouvrage de Pierre Rosanvallon entend élucider. Objet historique autant que politique, qui place en son centre l'une des contradictions majeures de notre démocratie.

A la notion de «jacobinisme», trop liée selon lui à un seul courant révolutionnaire, l'auteur préfère substituer celle de «culture politique de la généralité», dont il dégage les principaux constituants. Son principe est celui du «grand tout national», qui pose l'individu seul face à l'Etat, et rejette tout tiers ou corps intermédiaires comme autant de menaces à l'expression collective. L'idéal est celui de la fusion absolue de tous les particularismes dans l'intérêt général. En résulte une conception «immédiate» de la démocratie (seule la nation fait corps), fondée sur le culte absolu de la Loi, «expression de la volonté générale», une sorte d'utopie politique