Quelque 70 000 soldats, capturés lors de la défaite de 1940, tentèrent la belle. En règle générale, ils mettaient, pour rejoindre la France, cap à l'ouest. Une poignée pourtant préféra, pour des raisons géographiques, s'évader en rejoignant les territoires administrés par l'Union soviétique Pologne ou Lituanie. Joignant à son expérience d'acteur son talent d'historien, Jean-Louis Crémieux-Brilhac retrace l'odyssée surprenante de 218 hommes passés par l'Union soviétique entre 1940 et 1941. Rappelant à grands traits les conditions de leur évasion, il s'attarde sur le sort que le régime stalinien réserva à ces proscrits traités, jusqu'au 22 juin 1941 en suspects, sinon en ennemis, convenablement nourris mais soumis à de terribles pressions morales. Moscou se montrait embarrassé par ces détenus encombrants et parfois forts en gueule qu'il n'osait libérer de crainte de provoquer les foudres d'une Allemagne nazie encore alliée. Elle les traita par conséquent en otages allègrement sacrifiés sur l'autel de la raison d'Etat. Cette politique draconienne amena la petite communauté à se scinder. Une majorité réclama d'emblée de rejoindre les Forces françaises libres mais n'obtint gain de cause qu'en août 1941 ; une minorité, conduite par Daniel Georges le frère du colonel Fabien , se mit au service du Grand Frère. N'hésitant pas à informer le Komintern sur l'état d'esprit de détenus remuants, ils furent astreints à des cours de marxisme-léninisme puis versés à des postes divers
Critique
Les déboussolés
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par Olivier Wicker
publié le 5 février 2004 à 22h48
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