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Libération
Interview

Une grammaire apprise dans le bled.

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Entretien avec l'auteur des «Récits de la province égyptienne».
publié le 5 février 2004 à 22h47

Fanny Colonna, 69 ans, est directrice de recherches au CNRS. Elle travaille à la frontière de la sociologie, de l'histoire et de l'anthropologie. Elle a publié une dizaine d'ouvrages consacrés à l'Algérie, dont les Versets de l'invincibilité, permanence et changements religieux dans l'Algérie contemporaine.

Vous êtes spécialiste de l'Algérie, comment en êtes-vous venue à travailler sur la province égyptienne ?

En fait, le projet que l'on avait construit avait été fait pour répondre à un appel d'offres sur l'Algérie. Au moment où l'argent est arrivé, il n'était plus question d'aller en Algérie. J'avais vécu en Egypte pendant neuf mois, quinze ans auparavant, j'avais envie d'y retourner. Avant de commencer mon travail sur la province, j'ai rencontré une dizaine de chercheurs égyptiens et le côté répulsif de leur réaction m'a intéressée. En Algérie, on ne dirait pas cela, tout le monde vient du bled et ceux qui sont des citadins osent à peine le dire parce que ce n'est pas bien vu. L'idéologie est complètement inverse. La révolution algérienne, c'est soi-disant seulement les paysans qui l'ont faite, alors qu'en Egypte, ce sont les effendis de la ville en 1919 et les militaires en 1952.

Quant à la province, j'en viens. Je suis née en Algérie dans la montagne. J'ai passé mon enfance et mon adolescence dans l'est de l'Algérie, la région que mes parents préféraient. Par ma propre histoire dans ce petit patelin, j'avais une idée de l'importance de ces gens, le médecin de campagne, l'in