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Libération
Critique

De mal en psy

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Entre New York et un campus de banlieue, le thriller elliptique et inquiétant d'un poète britannique.
publié le 12 février 2004 à 22h58

Dans le monde de Lawrence Miller, il y a sans doute moins d'espace pour les moments agréables que pour les désagréments, mais les désagréments sont de nature assez ordinaire : un marque-page déplacé, un dossier informatique disparu, une passante reconnue par erreur devant Central Park. De ces oublis et lapsus, il discute raisonnablement chez sa psychanalyste, sur eux il construit des hypothèses rationnelles ou paranoïaques auxquelles le lecteur adhère sans aucun mal, de même qu'il est immédiatement aspiré dans la vie du narrateur, un Anglais vivant aux Etats-Unis, professeur consciencieux de gender studies et membre bien-pensant quoique européen du Comité contre le harcèlement sexuel de son université. S'il arrive à Miller d'être ironique, il manque totalement d'humour. C'est donc malgré lui qu'il fait une peinture aussi drôle que terrifiante de la police des moeurs que représente le politiquement correct des universités américaines, de même qu'il évoque l'inépuisable pouvoir d'humiliation des relations de classes dans la société britannique.

Mais à quel moment le lecteur prend-il conscience du «grand réseau d'hostilité» que Miller a «suscité sans le vouloir» ? A quel moment ressent-il un malaise face aux comportements ininterprétables des interlocuteurs de Miller ? Pourquoi sa femme l'a-t-elle quitté ? A-t-il vraiment bousculé dans la nuit ce vagabond puant et dément ou n'est-ce qu'une figuration de sa future déchéance ? Et à quoi pense-t-il quand, regardant le paysage qui d