Menu
Libération
Critique

Entraîné par la fouille

Article réservé aux abonnés
Quand Jean Thibaudeau exhume les traces d'un autre monde qui reflète le nôtre.
publié le 12 février 2004 à 22h58

C'est quelque chose d'une terre retournée, d'une tourbe où émergent les momies à yeux clos, une écriture au seuil de l'histoire, ni solide ni liquide, dans lequel chacun pourrait tracer des visages du bout des doigts. Un champ de fouilles imaginaire où les débris sont ceux de l'archéologue même : Jean Thibaudeau n'invoque-t-il pas, à l'origine d'un des textes de Préhistoires intitulé «la Rêveuse», le Pierrot lunaire de Schönberg, une musique exhibant sa matière et son corps, déclamée-chantée, explosante-fixe, se tenant elle aussi sur la limite ? «Puis, je criais ! Je criais et je me débattais, oui, je me défendais, je luttais, je résistais, oui, et rien alors, ni personne, personne ne pouvait rien contre moi !» Peut-être est-ce de cela qu'il s'agit dans ce recueil de cinq textes faits pour être dits, de dramatiques écrites pour la radio : de se construire par la résistance, de retrouver sa tête décapitée «dans les sous-sols liquides d'une fosse commune». Ici, la préhistoire n'est évidemment pas à entendre dans un sens chronologique, mais comme un effort d'anhistoricité, de liberté, un geste «contre» ou «à rebours», assurément plus anarchique que réactionnaire.

Le premier texte, «Retour d'outre-Loire» se passe en contrée contre-révolutionnaire, en 1793. On y voit une «Vendée errante» qui flue et reflue en direction de Paris, telle une mer débordée, puis «massacrée au Mans» faute de pouvoir «retraverser la Loire». Le drame en deux actes et un finale que donne Thibaudeau sur ce