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Libération
Interview

Notre sorcière bien-aimée

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Rencontre avec Marie NDiaye autour d' une pièce de théâtre et autres bonnes nouvelles.
publié le 12 février 2004 à 22h58

L., envoyé spécial

Marie NDiaye ne donne pas souvent de ses nouvelles, pour vivre heureuse elle vit cachée, ses amis (tous ses amis, comme dit le livre), le savent. Pas de nouvelle, bonnes nouvelles. Et puis, tout d'un coup, en voilà cinq, des nouvelles.

­ Vous voulez dire que Marie NDiaye, la romancière, publierait un livre de nouvelles ? Première nouvelle.

­ Oui, bien sûr, et je les ai lues, de mes yeux lues, je les ai lues comme je vous vois.

­ Alors ?

­ Les nouvelles sont bonnes. Notre sorcière bien-aimée est en pleine forme, on sort de là trempé, tremblant, troublé, tout blanc de sourire et d'effroi. Marie NDiaye est toute jeune, 36 ans, 37 peut être, on la croit sur parole, sur cette vérité qui sort de la bouche enfarinée des enfants. Mais Marie NDiaye a vingt ans de métier, elle nous roule dans la farine, elle nous entraîne dans son monde de sables mouvants et émouvants, de l'autre côté d'un miroir où nous sommes déjà, où l'égoïsme est un devoir de survie, où nous nous voyons, comme un reflet dans une vitre de train, inaccessibles et flous, noyés dans une eau irrespirable, les ongles usés au verre de l'aquarium, griffes vaines contre l'opacité du monde.

­ C'est à moi que vous parlez, ou avez-vous déjà commencé votre article ?

­ Excusez-moi, je suis allé lui rendre visite à L., on en reparle après, si vous voulez.

A «L». On dit L. pour ne pas dire où. C'est en vérité un village dont on cache l'initiale sous une lettre d'emprunt. L. est une île, une île de terre labourée, apeur