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Libération
Critique

La guerre en dentelles

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La guerre de 14-18 a aussi fait des ravages chez les mondains désabusés d'Edith Wharton. La romancière Sylvie Caster a lu «Un fils sur le front».
par Sylvie CASTER
publié le 4 mars 2004 à 23h35

On est le 30 juillet 1914. John Campton, un portraitiste américain, installé à Paris, attend son fils Georges qui arrive d'Amérique. Il ne l'a pas vu depuis longtemps. Et il ne pense qu'à ce voyage qu'ils sont sur le point de faire tous deux «en partant demain matin, en Sicile et peut-être jusqu'en Afrique». Son fils est la seule impatience, le «seul amour» de ce peintre désabusé qui déambule en boitant, dans son atelier et qui fait payer très cher à de riches solliciteurs l'honneur d'être peints par Campton. Ceux-ci l'appellent «Maître». Mais le Maître ne les aime guère. Il n'aime guère non plus son art qui s'est réduit pour lui à une corvée monotone.

«Plus il peignait des visages prétentieux, plus il détestait son activité.» Dans cette bande de riches mondains qui gravitent autour de lui, personne ne trouve grâce à ses yeux. «Madame de Dolmetsch est idiote.» Le banquier Jorgenstein est «méprisable». Le prince Demetrios, vaniteux. Son ex-femme aux doigts chargés d'énormes bagues «l'ennuyait, même avant leur divorce».

Le peintre ne croit pas à l'imminence de la guerre. Et Dastrey, son vieil ami qui lui annonce : «Mais mon pauvre Campton, il y aura la guerre dans trois jours» lui fait l'effet d'une Cassandre à voix de crécelle. Dastrey, pourtant, ne s'est pas trompé. En deux jours, la guerre éclate. Il n'est plus question de partir en Sicile. Campton s'acharne à essayer de faire démobiliser son fils qu'il juge «insouciant». Alors que celui-ci s'engagera, sans le lui dire, sur l