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Interview

«Laïcité signifie libérer, pas interdire»

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Elargissement , conflits religieux et ethniques, affaire du voile. Le philosophe-député Gianni Vattimo s'exprime sur l'Europe et les valeurs chrétiennes.
publié le 4 mars 2004 à 23h35

Depuis quelques années, vous semblez vous consacrer davantage à vos activités d'homme politique qu'à votre métier de philosophe... Pourtant, si je me suis porté candidat aux élections européennes, c'est parce qu'il m'a semblé que la construction de l'Union était une tâche éminemment philosophique. Comme le passage préconisé par Marx de la préhistoire à l'histoire ­ même si ici le sens est un peu différent de celui de la révolution prolétarienne !

En quel sens peut-on dire cela ?

Faire naître, pour la première fois dans l'histoire, une entité politique, en réunissant des pays, des régions, des peuples différents, non pas par la force de la guerre mais grâce à des décisions démocratiquement discutées et partagées, m'a semblé et me semble une entreprise tout à fait rationnelle, culturelle. Nous n'avons pas une seule ethnie, une seule langue, une seule religion, nous n'avons pas en somme des raisons «naturelles» pour être ensemble (c'étaient là les légitimations de la création des Etats nationaux dans les siècles passés) ; et il n'y a pas une puissance, une dynastie, un pouvoir hégémonique qui nous unifie. Voilà l'intérêt éthique de l'entreprise. Le fait de se référer à un continent ­ l'Union est quand même européenne ­ n'est pas davantage une force d'enracinement «naturel», ne serait-ce que parce que l'Europe n'a pas de véritables frontières naturelles à l'est (l'Oural ? si on veut...).

Il n'est donc pas nécessaire de se demander si des pays comme la Russie ou la Turquie sont «aut