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Libération
Critique

Selon De Luca

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Solitudes et désenchantement, entre Bible et révolution.
publié le 4 mars 2004 à 23h35

Par lequel des deux livres d'Erri De Luca faudrait-il commencer ? Recueil de nouvelles, le Contraire de un parle des démêlés de l'auteur avec l'amour, la solitude, la révolution, l'escalade, matières d'un monde se suffisant à lui-même, écrit évidemment, mais où l'écriture en tant que destination et souci est placée résolument hors champ. Lecture et traduction de quelques passages de l'Ancien et du Nouveau Testament, Noyau d'olive est consacré entièrement aux écritures, aux saintes et à la sienne. De Luca est devenu ce qu'il est parce que, pendant des années, il s'est imposé, entre autres, une séance quotidienne de traduction biblique, exercice spirituel qui a essaimé sur toute son oeuvre sans que son athéisme n'en soit entamé. Aussi ces deux livres fonctionnent-ils en miroir, bien que l'écriture chez Erri De Luca soit autant accueil qu'exil, et vienne ontologiquement après l'origine, après le paradis perdu, l'inoubliable saison de la révolte de mai 1968 et de ses suites incandescentes, vaincues, dont la brûlure lui consume encore le coeur.

A dix-huit ans, Erri De Luca lâche tout, lycée, famille, amis et Naples, la ville où il est né en 1950. Le vent fiévreux de Mai le pousse à Rome, où il découvre des solitudes inouïes et des appareillements inédits : du manifestant pourchassé par les flics, du militant largué par sa camarade, de l'esseulé au milieu de gens bien entourés. Il ne rate ni assemblées, ni piquets de grève, ni bagarres avec la police. Tracts et poursuites, coups de