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Un essai sur l'uchronie, ou comment réécrire l'Histoire avec des si.
publié le 4 mars 2004 à 23h35

Ce sont les Français qui ont inventé l'uchronie. Ce néolo- gisme, fondé sur utopie et chronos, est apparu la première fois dans un titre du philosophe Charles Renouvier en 1876. Pourtant, le mot a presque disparu des dictionnaires, comme s'en émeut Eric B. Henriet, qui a consacré un passionnant essai à ce genre littéraire. L'uchronie, c'est le «et si» : et si Einstein n'avait pas inventé la théorie de la relativité, et si Napoléon avait gagné Waterloo, et si l'Europe avait été dévastée par la peste noire... «Et s'il n'y avait pas eu le détroit de Béring, l'Amérique n'aurait pas été peuplée...» Le principe est donc de choisir un moment dans l'histoire officielle (le «point d'altération») et d'imaginer une autre suite. En clair, refaire le monde. Comme l'a écrit Pierre Versins, «elle nous est proposée comme une tentative de recréation de l'histoire et non comme l'Histoire elle-même».

Longtemps, l'uchronie fut l'apanage des philosophes et des historiens, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, avant d'être récupérée par la SF. Et de s'y épanouir. «Les écrivains de SF ont apporté à l'uchronie de l'action, du rythme, de l'exotisme, de l'aventure, de l'humour surtout et des personnages anodins.» C'est par ce biais-là qu'Eric Henriet, grand lecteur du genre depuis le collège («un prof courageux nous a fait découvrir le K de Buzzati et la Guerre des mondes de Wells, j'ai enchaîné sur la Voie martienne d'Asimov, puis j'ai acheté tous les Présences du futur»), est tombé dedans il y a quinz