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Libération
Critique

Cosmogonie Mo Yan

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Textes courts et roman-fleuve de l'actuelle figure de proue.
publié le 18 mars 2004 à 23h48

Mo Yan est un romancier monstrueusement doué. Monologue intérieur et péroraison s'enchâssent dans la Carte au trésor, où un type se fait embobiner par une vieille connaissance, avant qu'eux-mêmes se fassent ouvrir et clore le bec par deux restaurateurs. La rhétorique fait avaler n'importe quoi, notamment des raviolis au rat qui n'en sont pas (1). Explosion, autre texte court, est l'histoire d'un homme qui oblige sa femme à avorter. Une gifle de son père éclate, première des explosions, bruyantes ou imagées, qui rythment le récit. Même économie remarquable dans les nouvelles choisies par l'auteur, Enfant de fer. Rappelons que, pour Mo Yan, qui a connu ça, une enfance malheureuse profite aux écrivains : «C'est comme un pinceau qui permet de peindre toutes sortes de situations» (Libération du 13 décembre 2001).

Beaux seins, belles fesses, fresque d'un demi-siècle d'Histoire, avance comme une meule de pierre qui roule sur la famille Shangguan, la mère et ses neuf enfants. L'unique garçon tant espéré tient le petit bout de la lorgnette, dès sa naissance en 1939. Il s'appelle Jintong, et se nourrit au sein. Rien de mieux que «les tétons de ma mère-qui étaient l'amour, la poésie, l'immensité céleste infinie et les grandes terres prospères où ondulent les vagues jaune d'or du blé (...)». Mamelles de la nation, ailes du désir, la carrière du narrateur culmine dans une boutique de soutiens-gorge, lorsque la modernité s'abat sur le canton du nord-est de Gaomi, le pays natal de Mo Yan, s