Pékin de notre correspondant
Le public chinois peut enfin lire Beaux seins, belles fesses, le roman de Mo Yan, sorti à l'automne à Pékin, huit ans après une première interdiction. La censure n'a pas été formellement levée, mais un éditeur chinois audacieux a tenté sa chance, et a réussi. Mis devant le fait accompli, le Bureau de l'édition du Parti communiste chinois, un bastion conservateur, gardien de la morale et de la ligne politique, n'a pas bronché.
A l'opposé, la Capitale déchue, l'oeuvre maîtresse de Jia Pingwa, l'écrivain de Xi'An, prix Femina étranger 1997 en France (1), reste banni, malgré les quelque 25 millions d'exemplaires qui auraient été vendus, avant l'interdiction mais surtout après, sous le manteau, en éditions pirates. Lorsque Jia Pingwa a prématurément fait état dans la presse d'un projet de réédition de son livre, le Bureau de l'édition a aussitôt réagi : pas question, trop de sexe et une dénonciation de la spéculation immobilière qui reste d'actualité.
Difficile de s'y retrouver dans le monde de l'édition chinoise, qui opère, plus encore que tout autre secteur, dans l'immense «zone grise» de la transformation de la Chine : plus vraiment idéologiquement orthodoxe, mais assurément pas débarrassée de son carcan autoritaire. Impossible, en Chine, de savoir ce qui est autorisé ou interdit, ce qui passe ou ce qui casse : le seuil de tolérance des autorités est fluctuant et, surtout, n'obéit à aucune règle écrite. Pas aisé, non plus, de savoir ce qui va marcher