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Libération
Critique

Le quotidien du peuple. L'opéra de Nankin selon Bi Feiyu.

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Libres et intégrés: un ami de Gao, une députée qui n'en demandait pas tant et un Nankinois heureux. Rencontre avec trois romanciers de la Chine d'en bas.
publié le 18 mars 2004 à 23h48

Nankin envoyé spécial

A 40 ans, Bi Feiyu est un homme comblé. Une maison d'édition vient de publier une anthologie en trois volumes de ses oeuvres, il vit bien grâce à ses droits d'auteur mais aussi grâce à un emploi dans un magazine littéraire de Nankin qui lui assure, à l'ancienne, un salaire et tous les avantages sociaux, il voyage fréquemment (Taiwan le mois dernier, Paris en mars...), il est marié et a un fils unique. Et il ne faut pas le prier pour qu'à une heure tardive, dans un restaurant de Nankin, ce solide gaillard au crâne rasé exhibe ses biceps, fruit de longues heures à la gym.

Un brin macho, beaucoup d'humour et un appétit de vie insatiable, Bi Feiyu est dans le système, et il s'y trouve bien. Son roman phare, traduit en Français sous le titre l'Opéra de la lune, a été adapté au cinéma, et plusieurs de ses livres ont reçu de prestigieuses récompenses littéraires chinoises dont le prix Lu Xun.

Derrière la façade, on trouve toutefois un écorché vif dont le thème central est la douleur. «J'appartiens à une génération qui a été cassée, qui est tombée en morceaux, explique-t-il. Nous avons reçu une éducation idéaliste, mais, juste avant d'entrer à l'université, tout cela s'est écroulé. Nous ne comprenions plus le monde. Il a fallu s'adapter, répondre à la pression économique et se demander si on était dans le jeu ou pas.» Le résultat, selon lui, c'est une génération «peu exigeante», qui tente de concilier ses aspirations spirituelles et matérielles, «ce qui est imposs