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Libération
Critique

Le quotidien du peuple. Liu Xinwu, lassitude interdite.

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Libres et intégrés: un ami de Gao, une députée qui n'en demandait pas tant et un Nankinois heureux. Rencontre avec trois romanciers de la Chine d'en bas.
publié le 18 mars 2004 à 23h48

Pékin de notre correspondant

Liu Xinwu s'énerve quand on lui fait observer que les héros de ses romans, les petites gens de Pékin ou les personnages inconnus broyés par la grande histoire, sont à l'opposé de la mode actuelle. «Les gens veulent lire ce qui se passe au lit car le sexe était autrefois interdit. Mais il y a aussi des lecteurs qui s'intéressent à autre chose. Qui a construit ces immeubles autour de nous ? Les salaires de ces migrants ne sont même pas payés, c'est cruel de les oublier. C'est eux qui peuplent mes livres, je suis un écrivain de la mémoire. Je fais attention à ceux qui n'ont pas réussi dans la société quand tant d'autres livres ne parlent que des success stories.»

Le dernier roman paru en France de ce sexagénaire en colère, Poussière et sueur, se déroule parmi ces oubliés de la ville, travailleurs migrants venus de la campagne, exploités et méprisés, qui assurent tous les métiers dont les citadins ne veulent plus. Les tribulations de ces déracinés, partagés entre deux cultures, dressent un tableau vivant d'une réalité généralement occultée.

Proche de Wang Meng, Liu Xinwu appartient au courant de la «littérature des cicatrices», particulièrement important au lendemain de l'ère maoïste, dans les années 80, qui s'efforçait de témoigner sur les souffrances du passé. Dans l'Arbre et la forêt, Liu Xinwu dresse le portrait de quelques-unes des victimes de la Révolution culturelle, des hommes écrasés par la machine infernale déclenchée par Mao. Il donne des tra