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Libération
Critique

Loin de la langue natale.

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Deux exilés, le Nobel et résident parisien Gao Xingjian et Ying Chen, qui vit au Canada et traduit elle-même ses romans en français.
publié le 18 mars 2004 à 23h48

Gao Xingjian et Ying Chen sont deux écrivains très différents. Ils ont en commun d'être né en Chine, de vivre loin de leur terre et de leur langue natales, d'habiter des pays francophones et de publier aujourd'hui des recueils d'essais qui parlent de ce que c'est que d'être un écrivain en exil et s'interrogent sur les relations entre langue maternelle, langue seconde et langue de la littérature. Gao Xingjian, prix Nobel 2000, est né en Chine en 1940. Il est arrivé en France en 1989 et, à l'exception de quelques rares textes, écrit en chinois. Ying Chen, née à Shanghai en 1962, a émigré au Canada en 1990. Elle écrit en français et vit depuis quatre ans entre Paris et le Canada.

Bien qu'il s'en défende, Gao a une réflexion très politique sur son écriture. Dans tous les essais (écrits entre 1990 et 2001) qui composent le Témoignage de la littérature (1), aussi bien que dans sa Conversation (qui date de 1993) avec le poète Yang Lian, il réaffirme sans cesse ce qui est aussi au coeur de ses romans, en particulier le Livre d'un homme seul : la position de l'écrivain comme individu face à la société. Dans plusieurs des essais où il s'élève contre tous les «ismes» (les idéologies et les systèmes de pensée), il écrit : «Ne pas avoir de -isme autorise le choix individuel, mais ce n'est pas l'individu souverain, dans la société actuelle, l'individu ne peut être souverain, hormis les fous qui se considèrent eux-mêmes ainsi.» Pour lui, la seule bonne place pour un écrivain est donc «à la