Au premier regard, philosophie occidentale et pensée chinoise devraient se compléter à merveille, un peu comme le yin et le yang dans la symbolique du tao, car l'une semble avoir ce qui manque à l'autre et vice versa. Aussi l'Empire du Milieu aurait-il une vision immanente de la réalité et de l'homme alors que l'Occident consacrerait ses meilleurs efforts à aller au-delà du monde par une quête métaphysique de la transcendance. Rien n'est simple pourtant, puisque l'immanentisme chinois peut aboutir à la négation de ce même monde dans la figure impassible du sage, et la métaphysique occidentale se conjuguer, à travers la science, avec une intervention paroxystique sur la matière visant à transformer la nature elle-même. N'empêche, la rencontre entre Orient et Occident est chose faite, suivant, il est vrai, des rapports de force politiques et économiques qui ont marqué profondément la culture du perdant et très peu celle du dominant. Ainsi, à partir du XIXe siècle, un nombre croissant de penseurs chinois ont commencé à prendre connaissance de la philosophie occidentale et à interroger leur propre pensée, pour la première fois, non plus à partir d'elle-même mais d'un ailleurs. Mou Zongsan (1909-1995) est l'une de ces figures marquantes, dont paraît aujourd'hui Spécificités de la philosophie chinoise. Né dans un milieu paysan très pauvre, il a quitté la Chine continentale après la proclamation de la République populaire, pour se réfugier à Taiwan en 1 949.
Professeur de philosophi