Menu
Libération
Interview

L'homme en deux mots

Article réservé aux abonnés
Précis hyperconcentré de la poétique à Raymond.
publié le 25 mars 2004 à 23h56

Dialogisme

«Dans mes bouquins, il y a toujours un interlocuteur, j'ai besoin de parler à quelqu'un qui me fait parler, qui me fait écrire. D'ailleurs, les critiques en Amérique évoquent souvent ce côté dialogique de mon travail. J'ai non seulement besoin de quelqu'un qui m'écoute, mais j'ai aussi besoin de me voir écrire, c'est la self-reflexiveness, comme on dit en anglais. Ce qui est marrant, c'est que quand j'écris en français, la Fourrure de ma tante Rachel par exemple, j'ai l'impression que je parle à des Français. En leur parlant, je leur explique l'Amérique. Quand je fais Aunt Rachel's fur, j'explique la France aux Américains, j'enlève des passages, j'en mets d'autres. J'ai commencé Amer eldorado ici à Paris, en 1970. J'étais à l'Hôtel des Deux Continents, rue Jacob, et j'écrivais un jour Amer eldorado en français et le lendemain en anglais. J'étais ici pendant quatre mois, je suis devenu fou. Le français augmentait, puis je passais à l'anglais qui augmentait et, de ma fenêtre, je pouvais voir dans la cour Philippe Sollers et sa bande que je connaissais bien. Un jour, je sors de l'hôtel, je tombe sur Sollers: ah, Federman, qu'est-ce que vous faites ici ? Je remonte rapidement et je comprends : c'est à eux que je parle ! C'est eux qui me questionnent ! C'était donc le groupe Tel Quel que j'engueulais dans Amer eldorado. Quand j'ai fini la version américaine ­ j'avais laissé la française en plan ­, là, c'était aux intellectuels de New York, de la Partisan review, que je