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Libération
Critique

La foire aux philosophes.

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Marié? Des enfants? Riche? Obèse? Aveugle? De l'Antiquité à nos jours, une recension de ce que l'on sait de la vie des éminents penseurs.
publié le 25 mars 2004 à 23h56

Les philosophes, on le sait, sont de purs esprits. Ils ne mangent ni mortadelle ni soupe aux navets, ne sont ni anorexiques ni obèses, n'ont jamais de panaris au doigt, ni caries ni hémorroïdes, s'habillent avec rien, ne sont ni pauvres ni riches, n'ont pas d'enfant qui tourne mal, et pas même d'enfance, n'ont jamais ni chaud ni froid, ne sont jamais au chômage, ne vont jamais sortir la poubelle. Quand il s'agit d'un serial killer ou d'une pyromane ­ mais tout aussi bien d'un grand écrivain ou d'un peintre ­, on n'hésite guère à fourbir les armes de la sociologie, de la psychologie ou de la psychanalyse pour comprendre la genèse de l'exaction ou de l'oeuvre. D'un philosophe, on en saurait assez, comme disait Aristote, lorsqu'on sait qu'ils sont nés, ont vécu et sont morts. L'essentiel, c'est de connaître leur pensée.

Pierre Riffard, qui publie les Philosophes : vie intime, n'est évidemment pas de cet avis. Le titre du livre révèle déjà que les philosophes en ont une, de vie intime. Mais qu'on n'espère pas y trouver quelque matière à scandale ou des révélations croustillantes sur les névroses de Kierkegaard, les amours de Hannah Arendt ou les tourments sexuels de Wittgenstein. Pierre Riffard ne fait aucune plongée dans la vie privée, celle dont le philosophe a voulu priver son lecteur en ce qu'elle n'entrait en rien dans sa philosophie. Il rappelle ou révèle ce qui, de la vie intime (au sens où le «creux de l'oreille» serait intime, ni «extérieur», comme le nez, ni «intérieur»