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Critique

Michelstaedter à la Þn des mots

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Carlo Michelstaedter, qui s'est donné la mort en 1910, est le fulgurant penseur de l'authenticité. Ses derniers écrits.
publié le 8 avril 2004 à 0h09

Le soir, il reste chez lui. Il achève la rédaction des «appendices critiques», relit le tout, et met un point final. Il l'aurait envoyé à l'université par la poste. Il prépare le cadeau pour sa mère, qui avait le lendemain 56 ans : un tableau de ciel et nuages gris, traversé par un faible rai de lumière. Dans la matinée, il reçoit la visite de son cousin Emilio. En fin d'après-midi, il devait aller écouter une symphonie de Beethoven chez Argia Cassini, son amie pianiste, à qui il avait dédié quelques poèmes. C'était le 17 octobre 1910, une journée presque estivale. Il gardait le revolver dans un tiroir depuis un an. Les voisins n'entendront qu'un seul coup.

Carlo Michelstaedter, né à Gorizia en 1887, n'a pas eu le temps d'écrire des livres. Il a laissé des recueils poétiques, des lettres, des «dialogues», des réflexions sur la dialectique socratique, des dessins et la «tesi di laurea», achevée la veille de son suicide, et comme «certifiée» par son acte : la Persuasion et la rhétorique (1). Ce mémoire de maîtrise est devenu un livre culte, sans équivalent dans l'histoire de la philosophie, une fulgurance, l'oeuvre incandescente d'un étudiant de vingt-trois ans qui a voulu tout dire en une seule fois, et qui eût pu être un Schopenhaueur, un Wittgenstein ou un Nietzsche. De Michelstaedter, les Editions de l'Eclat ont déjà traduit, outre la Persuasion, les Appendices critiques et l'Epistolaire : elles font paraître aujourd'hui le Dialogue de la santé et autres textes, dont la réd