Depuis vingt ans environ, il paraît en France chaque année plus de 70 livres consacrés au premier conflit mondial. S'il connaît des phases de pause ou d'accélération, cet intérêt n'est cependant ni nouveau (les premiers titres ont commencé à paraître en 1915), ni spécifique (le mouvement est analogue dans les autres pays d'Europe ou aux Etats-Unis). Ainsi s'est constituée une formidable bibliothèque, forte de plusieurs dizaines de milliers de volumes, à laquelle il faudrait ajouter les films, les documentaires, les musées, qui disent autant l'histoire de la Grande Guerre que celle des exigences ou des espoirs de ceux qui s'y sont attelés. C'est cette masse de travaux qu'Antoine Prost et Jay Winter, deux des meilleurs connaisseurs de la question, se sont attachés à ordonner, à la recherche des principales «évolutions du questionnement et des connaissances historiques».
Leur parcours, passionnant, met au jour «trois configurations historiographiques» majeures. La première, née au coeur même de la guerre, est surtout d'ordre militaire et diplomatique, et mêle les acteurs, les témoins et les historiens. Combattant et grand mutilé de guerre, chargé en 1921 d'un musée-bibliothèque de la Guerre, puis élu professeur à la Sorbonne en 1932, Pierre Renouvin en est à la fois l'incarnation et l'autorité centrale. Il s'agit surtout alors d'établir l'histoire du conflit, d'en recenser les sources, d'en arrêter le sens. D'où le poids écrasant de la question des «responsabilités», celles du d