Lídia Jorge était de passage à Paris pour la parution de son dernier livre, Le Vent qui siffle dans les grues. La romancière portugaise s'exprime dans un français parfait. D'où vient le titre de votre roman ?
Il m'est venu quand l'homme est là-haut dans la grue, on craint que le vent la jette par terre, c'était important pour moi de garder cette idée du «vent qui siffle dans les grues». Mes amis me conseillaient d'en changer, les titres doivent être doux, ils font appel au coeur, aux larmes et à l'amour, celui-ci est trop dur, disaient-ils. Le jour où je me suis décidée à en chercher un autre, je suis tombée sur le poème Message chinois à un ami lointain, de Barry Gifford, dans le supplément de Libération, au moment du passage 1999-2000 (1). Barry Gifford qui est né le même jour que moi, à Chicago, de l'autre côté du monde : «Grues qui doucement / s'installent au bord / de l'étang voisin / troué de nuages / aucun amant / ni ami / oiseau ou climat / n'y pourra rien changer». Cette coïncidence voulait dire : attention, tu n'es pas seule, ne bouge pas.
Vous écrivez du personnage principal qu'elle n'est pas douée pour l'ironie, mais capable de mépris. Vous êtes pareille ?
Pour ce trait, elle est comme moi, sinon elle est très différente parce qu'elle a un oeil naïf, et moi j'ai celui de la personne qui ne perd pas de vue ce regard, et réfléchit sur ça. Le naïf, le sot, le bouffon, traverse toute la littérature, il est le déclencheur qui oblige les