Menu
Libération
Critique

Lídia Jorge. Algarve à vue

Article réservé aux abonnés
La romancière portugaise met en scène une innocente amoureuse qui bouleverse l'ordre établi.
publié le 15 avril 2004 à 0h14

Les romans de Lídia Jorge sont entièrement portés par le goût des histoires. Comment elles arrivent, comment elles rebondissent d'un point de vue à l'autre, comment elles se déploient et s'épuisent. La manière vertigineuse dont elles s'enroulent semble parfois prendre le pas sur ce qu'elles disent. Dans la Couverture du soldat (1999), qui reparaît en collection de poche, on peut lire : «La vie n'appartient pas seulement à qui la détient mais aussi à qui la raconte.» Le rythme incantatoire des leitmotive, les interventions d'un narrateur de droit divin donnent au texte une résonance familière, comme un écho de lectures d'antan. «Mais il ne devait pas en être ainsi.»

L'angoisse de Milene dans le Vent qui siffle dans les grues est de cette nature : comment va-t-elle bien pouvoir raconter ce qui s'est passé ? D'ailleurs, que s'est-il passé, est-ce qu'elle le sait et le saura-t-on jamais ? Milene, une fille qui mange cinq glaces à la suite, et pourtant «n'a pas dix ans, ni quinze, ni vingt ans», est seule le week-end du 15 août. Les oncles et tantes, gens importants, plus importants qu'elle si on en croit sa panique lancinante, sont au Japon, aux Canaries, au diable. On a mis dona Regina, la grand-mère, dans une belle maison de retraite. Dona Regina disparaît dans la nuit du 14 au 15. On la retrouve morte devant l'ancienne fabrique de conserves, «diamant» familial, à présent occupée par une smala de Cap-Verdiens, la famille Mata.

Dona Regina était dans une ambulance, tout à coup el