Le mieux est de commencer par le début. «Il était 0 h 07. Le chien était allongé dans l'herbe au milieu de la pelouse, devant chez Mme Shears. Il avait les yeux fermés. On aurait dit qu'il courait couché sur le flanc, comme font les chiens quand ils rêvent qu'ils poursuivent un chat. Mais le chien ne courait pas. Il ne dormait pas non plus. Il était mort. Il avait une fourche plantée dans le ventre.»
L'histoire est écrite par Christopher. Ce n'est pas une histoire, car Christopher ne ment jamais : c'est une enquête, la sienne. Il a quinze ans et vit avec son père dans une petite ville emmerdante, entre gazons taillés et voisins drogués, à l'ouest de Londres. Sa mère est morte d'un cancer il y a deux ans. C'est lui qui découvre le chien Wellington dans le jardin de sa propriétaire, une voisine. Comme Sherlock Holmes, son détective préféré, il décide de trouver qui l'a tué et de rédiger peu à peu son investigation. Son rat apprivoisé en poche, il va découvrir l'assassin, mais surtout les relations entre voisins, les mensonges de son père et la véritable histoire de sa mère. Tout cela le mène jusqu'à une fuite solitaire à Londres. On suit l'enfant fou dans un monde qui l'est bien davantage.
Christopher appartient à Dickens, mais aussi à la psychiatrie : il a le syndrome d'Asperger autiste, avec des tendances psychotiques. Lui et ses semblables, écrit-il, sont au milieu des hommes «comme des okapis dans la jungle du Congo, qui sont une sorte d'antilope très farouche et très rare